[Image de page : 260 ]
CHAPITRE XX
Le Peuple : classe vile. Les Esclaves
1409
賤人
천인,
Ch’ŏnin
[Tchyen in],
Homme de la Classe vile
;
comme toutes les autres classes, celle-ci contient des subdivisions,
dont quelques-unes forment de petites castes séparées. Je n’ai pas trouvé de liste
légale des gens de cette classe ;
les Statuts anciens parlent seulement des esclaves privés et publics
(n°
1424,
1425,
1427),
des Clercs des postes (n°
1423) et des Artisans
(n°
1234-
1407) :
ces trois classes d’hommes étaient alors inscrites
sur des registres spéciaux et ne pouvaient changer de conditions que dans certaines
circonstances fixées.
Mais ces anciennes lois ont été en partie abolies ; les artisans ne sont même plus
considérés comme faisant partie
de la classe vile. L’usage actuel confond à peu près dans le même mépris les Clercs
des postes, les esclaves
et ceux qui exercent certaines professions ; les gens de cette sorte ne pourraient
se présenter aux examens.
1410
捕校
포교,
P’ogyo
[Hpo kyo],
Valets des yamens
(cf. n°
1146-
1150) ;
ils sont tenus pour inférieurs par les marchands et artisans qui les redoutent
néanmoins.
1411
下人
하인,
Hain
[Ha in],
Domestiques des fonctionnaires et des particuliers
;
l’Intendant,
Kyŏmjong
[Kyem tjyong],
傔從
겸종
,
d’un fonctionnaire, appartient à la Classe honorable.
1412
僧尼
승니,
Sŭngni
[Seung ni],
Bonzes et Bonzesses
(cf. n°
1438,
1449, etc.)
1413
巫女
무녀,
Munyŏ
[Mou nye],
Sorcières
:
le séjour de Seoul leur est interdit,
mais le règlement n’est plus appliqué et quelques-unes jouissent d’un grand crédit.
Il n’y a pas de sorciers. L’avenir est aussi prédit par
les aveugles,
Maengin
[Măing in],
盲人
맹인
;
mais ceux-ci ne sont pas aussi méprisés que les sorcières.
1414
沙工
사공,
Sakong
[Sa kong],
Bateliers, Passeurs
.
1415
店漢
점한,
Chŏmhan
[Tyem nom 점놈],
Potiers
.
1416
喪輿軍
상여군,
Sang’yŏgun
[Sang tou koun],
Porteurs de cercueils
.
1417
皮匠
피장,
P’ijang
[Kas pa tchi],
Cordonniers (pour souliers en cuir)
.
1418
柳匠
유장,
Yujang
[Ko ri tjyang],
Vanniers
:
pour ceux-ci et pour les cordonniers, on
[Image de page :
261 ]
dit que ces deux métiers ont été exercés,
au commencement de la dynastie actuelle, par des fonctionnaires de Koryŏ [Korye]
qui refusaient de se soumettre aux nouveaux souverains ;
ils furent relégués dans la partie la plus vile du peuple et le même mépris s’est
attaché à tous les gens des mêmes métiers.
1419
泮漢
반한,
Panhan
[Koan nom 관놈],
Bouchers
:
le nombre des maison où l’on peut vendre de la viande de boeuf,
est limité à vingt-quatre dans Seoul et fixé aussi pour chaque district,
les Bouchers, grâce à ce monopole, gagnent largement leur vie, et
leur situation vile permet aux valets des yamens de les piller sans difficulté.
1420
白丁漢
백정한,
Paekchŏnghan
[Păik tjang nom 백정놈],
Tueurs de boeufs
:
ceux-ci sont considérés comme tellement abjects
qu’ils sont méprisés par tous les autres, ne s’allient qu’entre eux et
constituent une caste tout à fait séparée, chok [tjok], 族 족.
1421
優人
우인,
Uin
[Ou in],
Baladins chanteurs
:
ces gens se transmettent leur métier de père en fils et
forment
une caste séparée,
chok
[tjok],
族
족.
Des
Baladins mendiants,
Hwarang
[Hoa rang],
花郞
화랑, et
Kŏsa
[Ke sa]
,
vont à travers la province, en faisant leurs tours sur les rues des villages ;
l’entrée de Seoul leur est interdite ;
ils sont accompagnés de femmes
appelées
Sadang
[Să tang]
(사당)
,
qui chantent et dansent avec eux et font métier de prostituées.
1422
花郞游女
화랑유녀,
Hwarang yunyŏ
[Hoa rang you nye],
酒商游女
주상유녀,
Chusang yunyŏ
[Tjyou syang you nye],
淫女
음녀,
Ŭmnyŏ
[Eum you nye],
Femmes publiques
.
En province, les prostituées ont pour protecteurs les baladins (n°
1421) ;
à Seoul, elles sont divisées en huit catégories (cf. n°
1426),
leurs protecteurs sont les valets des yamens, spécialement ceux du Ministère de la
Justice (n°
750).
------------------------------------------------------------------------------------------------------
1423
驛吏
역리,
Yŏngni
[Yek ri],
Clercs des Postes ou Serfs des Postes
:
il n’est pas question d’eux avant 1744.
Un Clerc des postes épousant une femme de classe honorable, tous ses enfants
suivaient
la condition paternelle ;
si la femme était de condition vile, les enfants étaient de la condition de leur
mère.
Une serve épousant un homme de condition honorable, les filles seules étaient de la
classe du père.
Les serfs ne pouvaient sortir de servage qu’en fournissant un remplaçant. La
condition
de Clerc des Postes,
bien que n’étant plus soumise
[Image de page :
262 ]
aux mêmes règles, est encore tenue pour très abjecte.
1424
Dans le Silla [Sin ra], il existait des esclaves ; les prisonniers de guerre, semble-t-il, devenaient esclaves. Les Rois de Koryŏ [Korye] rendirent de nombreux décrets à propos des esclaves ; en 1278, les affranchissements furent interdits ; en 1300, les Yuan [Yuen], 元 원, voulurent supprimer l’esclavage en Corée, mais le Roi s’y opposa ; en 1392, un boeuf valait plus que deux ou trois esclaves ; cette même année, les mariages entre hommes libres et esclaves furent sévèrement punis.
En 1406 et 1417, des décrets réglèrent à nouveau la situation des esclaves et des enfants d’esclaves. En 1418, les esclaves des bonzeries furent confisqués par l’Etat. En 1484, il y avait 261.984 esclaves privés et 90.581 esclaves publics. Lors de l’invasion japonaise, en 1598, les esclaves furent enrôlés dans l’armée et on libéra ceux qui se distinguèrent.
驛奴婢 역노비, Yŏngnobi [Yek no pi], Esclaves des Postes, hommes et femmes : les enfants d’une esclave des postes suivaient toujours la condition de la mère ; ceux d’un esclave et d’une femme de classe honorable, devenaient Clercs des postes (n° 1423) ; dans les autres cas, les fils étaient de la condition du père, les filles de celle de la mère. Un esclave des postes ne pouvait jamais devenir Clerc des postes (n° 1423) (Statuts de 1744).
1425
公奴婢
공노비,
Kongnobi
[Kong no pi],
Esclaves publics, hommes et femmes
;
compris avec les Clercs des postes (n°
1423) et les esclaves des postes
(n°
1424),
sous le nom de
Kongch’ŏn
[Kong tchyen],
公賤
공천.
Dans la législation de 1469, les esclaves publics sont inscrits sur des listes
spéciales,
dressées à nouveau tous les vingt ans et conservées dans les districts, dans les
capitales
de provinces,
dans les yamens propriétaires des esclaves, et de plus au Ministère de la
Justice
(n°
750) ;
au Grand Conseil (n°
300), à la Cour des Esclaves (n°
767)
et au Conseil des Provisions du Palais (n°
68).
Les esclaves fugitifs sont recherchés et sévèrement punis ; des récompenses sont
accordées
à ceux qui les dénoncent ;
les mandarins et clercs, coupables de connivence ou de simple négligence dans la
surveillance
et les recherches, sont
[Image de page :
263 ]
châtiés.
Les esclaves sont divisés en séries, pŏn [Pen], 番 번, qui sont de service, ribyŏk [rip yek], 立役 립역, kong’yŏk [kong yek], 公役 공역 , tour à tour, ceux qui ont un motif pour ne pas fournir le service, ont le droit de donner un remplaçant. Ceux qui ne sont pas de service, paient une redevance annuelle, pongjok [pong tjyok], 奉足 봉족, d’une pièce de coton et d’une pièce de chanvre. Les esclaves âgés de moins de quinze ans ou de plus de soixante, ceux qui sont malades, ceux qui ont au moins trois enfants founissant le service, sont dispensés eux-mêmes de service ; si un esclave a plus de quatre-vingt ans, on lui donne un de ses fils pour le soigner (sijŏng ilgu [si tyeng il kou], 侍丁一口 시정일구) ; si une esclave de service est enceinte, on lui accorde un congé de quatre-vingt jours au moment de l’accouchement.
Lorsqu’un esclave meurt, son décès est constaté et enregistré par les autorités ; s’il n’a pas d’enfants, ses biens reviennent à l’administration à laquelle il appartient.
L’enfant d’une esclave suit la condition de sa mère, même si le père est un homme du peuple de classe honorable ; les esclaves publiques sont souvent prises comme concubines par des fonctionnaires : si le père est membre de la Famille Royale et que la mère, esclave publique, soit gardée dans sa maison, l’enfant appartient de droit à la classe honorable du peuple ; si un fonctionnaire, ou même un simple commis (n° 1131) prend une esclave publique ou privée pour femme de premier ou de second rang, il est tenu de faire enregistrer à la Cour des Esclaves (n° 767) la naissance des enfants : les filles sont libres, les fils doivent le service militaire dans la Garde de Ŭihŭng [Eui heung] (Soldats Esclaves libérés, n° 967) ; s’il est contrevenu à ces prescriptions, ils redeviennent esclaves.
Les esclaves publiques ou privées, prises comme concubines par des fonctionnaires qui sont au moins de la deuxième classe, peuvent être rachetées par eux, soksin [syok sin], 贖身 속신 , et devenir leurs propres esclaves ; ils doivent les remplacer par des esclaves de même âge et faire connaître à la Cour des Esclaves (n° 767) le transfert de propriété à ces conditions, les propriétaires primitifs n’ont pas le droit de refuser l’échange.
[Image de page : 264 ]
Dans les Statuts de 1744, des récompenses considérables sont fixées pour les esclaves qui dénoncent des esclaves fugitifs ; mais un esclave qui a échappé aux recherches pendant trente ans, est libéré de poursuites ultérieures ; un esclave dont le père et l’aïeul sont Licenciés (n° 1021) et qui a lui-même réussi aux examens, s’y étant présenté sans en avoir le droit, acquiert la liberté. Des règles plus larges sont fixées pour l’affranchissement des gens de condition vile, et l’autorisent tantôt moyennant le remplacement par un autre esclave, tantôt moyennant une somme qui ne peut dépasser cent ligatures (n° 367). Ceux qui prennent des enfants pour en faire des esclaves, ceux qui se vendent eux-mêmes comme esclaves, sont sévèrement punis. Le droit de rachat ou de remplacement, taegu [tăi kou], 代口 대구, pour les fils de fonctionnaires et des membres de la Famille Royale, est modifié et étendu aux fils de simples nobles. La législation a beaucoup varié depuis 1669, sur la condition des enfants de femme esclave, en 1731, elle est revenue à l’ancienne règle et les enfants suivent la condition de la mère. Dans l’ensemble des règlements, on voit une amélioration notable de la situation des esclaves.
En 1801, les esclaves du palais et ceux des administrations de Seoul ont été libérés. Les Statuts de 1865 décident que, pour les femmes réduites en esclavage en punition d’un crime (mauvaise vie, conspiration), la servitude est personnelle et ne s’étend pas aux enfants.
Aujourd’hui, il ne reste d’esclaves publics que ceux des districts, Kwanno [Koan no], 官奴 관노, et ceux des temples de Confucius (n° 1428), Kyono(ro) [Kyo no (ro)], 校奴 교노(로) : les hommes sont considérés plutôt comme valets de yamen que comme esclaves et sont seulement astreints au service dans quelques circonstances spéciales ; il leur serait d’ailleurs très facile de se soustraire à la servitude en changeant d’habitation. Pour les femmes, l’esclavage est plus affectif ; on réduit encore en esclavage les femmes de mauvaise vie, afin de remplir les cadres.
[Image de page : 265 ]
En 1469, un grand nombre d’esclaves occupaient les offices de Serviteurs, Ch’ae(Ch’a)bi [Tchăi (tcha) pi], 差備 채(차)비 , et Valets d’escorte, 跟隨 근수, Kŭnsu [Keun syou], dans les administrations ; d’autres étaient donnés à chaque Serviteur de Mérite (n° 276) pour le temps de sa vie ; les autres étaient employés à tous les travaux de la domesticité. Mais déjà en 1744, les Serviteurs et Valets d’escorte des yamens de Seoul étaient des gens de la ville à qui l’on payait un salaire.
1426
Quelques femmes esclaves sont encore aujourd’hui
envoyées à Seoul
des provinces de
Kangwŏn
[Kang ouen],
Kyŏngsang
[Kyeng syang],
Chŏlla
[Tjyen ra] et
Ch’ungch’ŏng
[Tchyoung tchyeng]
pour être :
針線婢
침선비,
Ch’imsŏnbi
[Tchim tjyen pi],
Couturières
,
醫女
의녀,
Ŭinyŏ
[eui nye],
Femme Médecin
(cf. n°
236),
女伶
여령,
Yŏryŏng
[Nye ryeng],
Danseuses de second ordre
;
妓女
기녀,
Kinyŏ
[Ki nye],
妓生
기생,
Kisaeng
[Ki săing],
Premières Danseuses
:
ces dernières jouent un grand rôle dans les fêtes officielles ou privées ;
quelques-unes d’entre elles deviennent concubines des fonctionnaires.
Les autres ont pour
protecteurs attitrés,
Oeipchang
[Oi ip tjyang],
外入匠
외입장
,
les Gardiens du Palais (n°
165),
les Valets du Conseil Privé (n°
309),
ceux du Ministère de la Justice (n°
750),
quelquefois des Intendants de grands fonctionnaires :
tous ces gens ont, malgré leur position subalterne, une influence réelle, qui leur
permet de conserver
les Danseuses choisies par eux, sans quoi elles leur seraient vite enlevées ;
ils sont fort jaloux de ce droit de protection qui est un de leurs moyens
d’existence,
et des batailles ont souvent eu lieu à ce propos aux portes mêmes du Palais.
Les Danseuses attachées aux yamens provinciaux sont en même temps Femmes médecins :
elles vivent sans protecteurs spéciaux. Toutes les Danseuses forment une caste
héréditaire,
les filles de Danseuses devenant presque toujours danseuses.
Le nombre total des esclaves publics était, en 1866, de 13 216 esclaves mâles et 11 785 femmes esclaves ; mais ces nombres sont sujets à de grandes variations.
1427
私奴婢
사노비,
Sanobi
[Să no pi],
私賤
사천,
Sach’ŏn
[Să tchyen],
Esclaves privés, hommes et femmes.
Les esclaves formaient, au XVe siècle, une partie très importante du
[Image de page :
266 ]
patrimoine des Coréens,
si l’on en juge par le détail des règles relatives au partage des esclaves entre
les
héritiers parents
du propriétaire ; s’il n’y avait pas de parents proches, les esclaves passaient
à
l’Etat.
Ils étaient, comme les esclaves publics, inscrits sur les registres de
l’administration ;
la vente d’un esclave devait être enregistrée, sous peine de confiscation ;
le prix d’un esclave, entre 16 et 50 ans, était fixé à 4000 feuilles de papier
réglementaire
(n°
366) ;
pour un esclave plus vieux ou plus jeune, on payait 3000 feuilles.
Les esclaves pouvaient être affranchis,
pangyŏk
[pang yek],
放役
방역
,
mais leurs enfants, même nés après l’affranchissement, restaient esclaves.
Les autres règles qui concernent les esclaves privés, étaient les mêmes que pour
les
esclaves publics.
La législation de 1744 est moins favorable à l’esclavage, comme je l’ai dit plus haut : sans interdire la vente des esclaves, elle la restreint par plusieurs règles ; elle prend diverses dispositions en faveur du pécule des esclaves ; elle interdit à tout maître d’avoir pour esclave un de ses parents rapprochés (le cas se présentait par suite du concubinage d’un homme avec l’esclave de quelqu’un de ses parents).
Aujourd’hui il n’y a comme esclaves privés que des femmes, les hommes étant trop difficiles à conserver ; ces femmes sont concubines ou servantes et sont en général bien traitées. Leurs filles sont de droit esclaves du maître, les fils sont laissés libres. Les ventes d’esclaves sont très rares et vues de mauvais oeil.